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Tarot de Marseille l'Arcane Sans Nom

Article créé le 26 novembre 2025
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Je me souviens de l'Arcane Sans Nom.                                                                                                                                                                                                                              Je me souviens.

Ici, debout impassible avec la peur au ventre, j'assiste avec mes yeux blessés à cette terrible journée. Je regarde ce génocide et me sens désarmé devant cette horde qui marche épouvantée, pour la plupart pieds nus, ils fuient par milliers précipitamment les massacres qui se perpétuent dans les villes et villages. Ils disparaîssent et empruntent ces chemins de sable rouge feu jonchés de pierres, leur taillant les plantes de leurs pieds fragiles. Ils traînent avec eux quelques effets personnels, balluchons de fortune, sacs fourre-tout ou simplement des couvertures remplies d'affaires prises à la hâte, attachées de ficelles qu'ils portent sur leurs dos.

Je me souviens aujourd'hui après tant d'années, ayant pu en échapper avec chance, né sous une bonne étoile et libre en ce temps présent, je suis hanté dans les nuits sombres de mon existence. Je fuis ces fantômes dans les rêves de mes nuits cauchemardesques et, je me sens coupable d'en être sorti vivant sans stigmates physiquement. Je me souviens de toutes ces empreintes saignantes de ces visages marqués au fer rouge, les yeux hagards, portant ces masques de chair tendue sans expression, pressés de sortir de ce bourbier et effrayés par la mort qui les poursuivaient d'une lâcheté immense, femmes et enfants désarmés que le monde avait lâchés sournoisement. Je me souviens que l'ignorance a enraciné la terre de nos ancêtres.

Cette toile de Maître, "l'Exode" qu'il a dépeinte, qu'il a signée, qui a troqué ses pinceaux noirs pour faire disparaître toutes ces couleurs vives d'Afrique, des rires d'enfants au calme des Anciens, c'est l'Arcane Sans Nom. Elle ne joue pas, c'est bien elle qui au moment opportun a revêtu cet habit sombre, d'une figure dénuée de tous sentiments d'un noir tendancieux, le mal extrême avec la Maison Dieu tenant entre ses mains une faucille ensanglantée.

Aujourd'hui je vous retrouve,  je vous ai croisé dan sma vie, il y a bien longtemps et je reconnais votre visage aveugle, sombre d'un corps squelettique tenant entre vos mains une faucille. Je n'ai pas emprunté jadis le chemin de l'oubli, où voulez vous m'entraîner ? Réunis à nouveau d'un paroxysme effrayant que vous avez essayé de me plonger dans un coma profond, mais la vie a été plus forte. Moi je respire encore, je respire et j'ai toute ma conscience. Je me suis fait à cette idée de disparaître et hélas pour vous, vous ne me surprendrez pas.

En fait vous n'êtes qu'un maillon desespéré d'une chaine qui nous traîne sans considération, nous menant vers les méandres d'une destination inconnue avec jubilation dans la souffrance, mais au-delà de celà, aucune crainte ne m'atteint.

Calme et paisible, j'attends mon heure venue pour un repos éternel. Je ne faiblirai pas devant vous et aucun désarroi ne vous sera alloué de ma part pour vous donner satisfaction. J'emporterai mes rêves avec moi et tout l'amour de mes proches. Je sais aussi que dès mon adolescence, j'ai été confronté à une maladie délirante menant à une folie et , depuis ce jour-là, vous avez été pour moi une créature énigmatique, toujours présent dans ma mémoire sans comprendre cette épreuve, vous  avez été le poids que j'ai supporté dans toute cette existence. Aujourd'hui à l'aube de ma mort, je le sais et comprends que j'ai été proche de vous inconsciemment avec l'envie de disparaître toute ma vie, je ne me suis jamais confié à quiconque, mais je vous le dis à vous, car je sais que ce sera une libération.

Je vous tire ma révérence et espère vivement que la vie me soit belle de l'autre côté du miroir.

En hommage aux victimes du génocide de Rwanda 1994